Le royaume chrétien de Makurie, situé là où aujourd’hui se trouve le Soudan, existait pendant plusieurs siècles, entouré de puissants voisins musulmans. Les archéologues de l’Université de Varsovie explorent la période de son déclin et procèdent à des fouilles dans l’ancienne capitale du royaume, Dongola.
Le projet UMMA (Urban Metamorphosis of the community of a Medieval African capital city) est financé par une subvention du Conseil européen de la recherche qui a été attribuée au professeur Artur Obłuski, directeur par intérim du Centre polonais d’archéologie méditerranéenne (PCMA) de l’Université de Varsovie, et directeur du centre de recherches situé au Caire et appartenant au PCMA. L’objectif des recherches dans le cadre du projet UMMA est d’explorer l’histoire des habitants de Dongola à la suite des invasions destructives des Mamelouks, ce qui avait poussé le roi à fuir de la capitale au XIVe siècle. Le royaume a disparu, mais la communauté locale a survécu. Dongola est devenue une cité-État, à l’image de la polis en Grèce antique. « Les ruines de la ville occupent une superficie de 200 hectares. Cela équivaut à la surface du Caire au onzième siècle, l’une des plus grandes villes du monde à cette époque-là. Les chroniqueurs du XVIe siècle racontent que Dongola aurait prospéré à cette époque-là grâce au commerce », dit Artur Obłuski, le responsable du projet.
Une métropole médiévale florissante
Les fouilles à Dongola ont révélé des poteries fabriquées dans les ateliers ottomans situés dans les Balkans et en Chine au milieu de la période Ming. Parmi les objets retrouvés sur le site, il y avait des jetons frappés à Nuremberg, ainsi que des perles venant du monde entier, du Sri Lanka, par la Hollande et jusqu’à la Tchéquie. Des marchands génois se sont établis à Dongola en y construisant leur comptoir commercial. Le secret du succès de la ville qui, pendant 150 ans, est passée de la capitale d’un État déchu à une métropole florissante et indépendante, est l’un des deux sujets d’étude du projet. Le deuxième, c’est l’analyse des changements culturels. Au XIVe siècle a commencé la conversion des chrétiens à l’islam, et les traces de cette transformation devraient être visibles dans ce qui reste des foyers médiévaux à Dongola.
Un État dans la contrée nubienne
La Makurie était l’un des trois États qui existaient au IVe siècle dans la région appelée la Nubie. Aujourd’hui, la plupart de ces terres appartiennent au Soudan. Ces pays se sont convertis au christianisme au milieu du VIe siècle et, malgré les conquêtes arabes dans les régions voisines, ils ont réussi à survivre. « Les royaumes de la Nubie médiévale ont arrêté l’expansion islamique pour près de 600 ans », dit Artur Obłuski.
Cela a été possible, en premier lieu, grâce aux conflits entre les divers groupes au sein de l’islam. La Nubie a commencé à prospérer au Xe siècle, lorsque la dynastie chiite des Fatimides avait pris le pouvoir en Égypte. Elle avait un objectif commun avec les chrétiens: ne pas céder à l’influence des autres pays islamiques gouvernés par les dirigeants sunnites. Deuxièmement, les Nubiens n’avaient pas la réputation d’un peuple pacifiste. Ce n’est qu’après leur conversion au christianisme et quand ils ont établi des relations commerciales plus étroites avec Constantinople qu’ils ont cessé d’inquiéter l’Empire Byzantin avec des invasions. Ce qui décourageait les envahisseurs potentiels, c’était l’art martial que les Nubiens avaient perfectionné au fil des siècles, et la précision de leurs archers.
« Tout porte à croire que les Nubiens étaient aussi des marchands d’esclaves. Un des traités du VIIe siècle contenait une clause selon laquelle la Makurie livrerait à l’Égypte 300 esclaves par an, en échange du maintien de la paix. On y avait mentionné aussi la présence d’esclaves et de mercenaires nubiens », ajoute Artur Obłuski.
Les succès des archéologues polonais
Les archéologues polonais mènent des recherches au Soudan depuis les années 1950. La mission dirigée par le professeur Kazimierz Michałowski a procédé à des fouilles de sauvetage dans les zones inondées à la suite de la construction du Barrage d’Assouan sur le Nil. De nombreux vestiges ont été sauvés dans la ville de Faras, la capitale d’un autre royaume nubien, la Nobatie. La coopération avec les autorités soudanaises a permis aux chercheurs d’obtenir un permis de fouille à Dongola, ainsi que dans la capitale du troisième pays nubien, l’Alodie, situé à proximité de la ville de Khartoum.
Centre polonais d’archéologie méditerranéenne (PCMA) de l’Université de Varsovie