Le cheval de Troie : une mission contre le cancer - NAWA

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Lorsque la professeure Magdalena Król décrit sa découverte, elle dit qu’elle a introduit un cheval de Troie avec ses guerriers armés dans le site de la tumeur. Armés de médicaments, les guerriers sont supposés atteindre les parties des tumeurs solides qu’aucun médicament ne peut actuellement pénétrer à lui seul. Cette découverte peut devenir un tournant dans le traitement oncologique.

Magdalena Król a bénéficié de la prestigieuse subvention du Conseil européen de la recherche (ERC) pour poursuivre ses travaux. Les recherches sont réalisées dans le cadre du projet « Entrapment of Hypoxic Cancer by Macrophages Loaded with HAP » à l’Université des sciences de la vie de Varsovie (SGGW), en étroite collaboration avec l’Université de Varsovie et l’Université de médecine de Varsovie. En 2017, l’ERC a classé les travaux de Magdalena Król parmi les dix projets les plus intéressants, financés par le Conseil au cours des dix années de son existence. La chercheuse a en outre créé Cellis, une startup qui a pour but de commercialiser sa découverte. C’est une société de biotechnologie qui développe une technologie cellulaire qui, à l’avenir, pourrait être utilisée pour le traitement et le diagnostic du cancer.

– L’ERC considère que les projets qu’il finance sont « à haut risque » (high risk – high gain). Quels sont les enjeux de votre projet?

Magdalena Król : – Les évaluateurs de l’ERC ont décrit mon projet comme étant « à haut risque », car c’est un projet très complexe. Il se compose de plusieurs étapes, et au cours de chacune d’elles il peut y avoir des problèmes. Mais si nous obtenons des résultats positifs à chaque étape, il nous serait possible de développer une nouvelle méthode cellulaire permettant d’administrer des médicaments aux tumeurs solides.

En quoi cette méthode est-elle innovante?

Il existe différentes méthodes d’administrer les médicaments à la tumeur. Les chercheurs tentent de transporter les médicaments à l’aide de nanoparticules métalliques, de protéines ou d’anticorps, mais jusqu’à présent aucun scientifique n’a trouvé de méthode qui utiliserait des cellules vivantes pour transférer le médicament sur le site de la tumeur, même dans ses parties les plus inaccessibles.

Comment avez-vous remarqué que cela était possible?

Si l’on observe l’intérieur d’une tumeur cancéreuse, on peut voir qu’il s’agit d’un « être autonome » vivant dans un autre organisme. Cette zone autonome se compose de différents types de cellules et chacune d’elles joue un rôle particulier à différents stades du développement de la tumeur. Pour que la tumeur se développe, il est nécessaire qu’il y ait une croissance des vaisseaux sanguins. Actuellement, nous pouvons y accéder avec les médicaments. Mais dans les tumeurs, il y a des régions avasculaires, donc inaccessibles, car elles sont situées loin des vaisseaux sanguins (les cellules cancéreuses se développent plus rapidement que les vaisseaux sanguins). Ces régions sont hautement privées d’oxygène. Même les remèdes les plus modernes, utilisés dans les traitement anticancéreux, sont incapables d’y pénétrer. Ainsi, les cellules cancéreuses situées dans ces régions survivent à la chimiothérapie et sont responsables des rechutes ou de métastases. Cependant, physiologiquement, une telle hypoxie attire les macrophages, cellules du système immunitaire, qui initient la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Nous avons donc eu l’idée d’utiliser les macrophages pour administrer les médicaments dans ces régions inaccessibles.

Le cheval de Troie, c’est donc cela?

D’une certaine manière, oui. Puisque les macrophages pénètrent naturellement dans la tumeur, nous avons eu l’idée que ces « guerriers armés » pourraient transporter les médicaments anticancéreux dans les régions inaccessibles de la tumeur, tout comme c’était le cas du cheval de Troie qui avait aidé les guerriers cachés à l’intérieur à entrer dans la ville. Toutefois, nous devons être sûrs que le médicament administré sur le site de la tumeur sera actif. C’est pourquoi nous utilisons des structures protéiques appropriées qui garantissent que le médicament est  correctement encapsulé. Cette capsule, à son tour, est chargée dans le macrophage, et c’est ainsi que ce « cheval de Troie » est envoyé sur le site de la tumeur. Les macrophages transfèrent très rapidement leur « charge » aux cellules cancéreuses. Voilà le mécanisme spécifique découvert récemment par notre équipe. Nous l’avons appelé TRAIN-TRAnsfer of Iron-binding proteiN. Nous testons son application dans le diagnostic et le traitement d’autres maladies.

À quel étape de réalisation se trouve votre projet?

Nous sommes au stade des essais précliniques. Nous étudions le mécanisme TRAIN au niveau de la recherche fondamentale, nous travaillons sur les résultats des tests in vitro et in vivo sur des modèles murins, et sur leur application aux humains. Nous cherchons les groupes de médicaments qui peuvent être chargés à l’aide de ce mécanisme, afin d’obtenir les résultats souhaités sur le site de la tumeur.

 

Département de la biologie du cancer, Institut de biologie

Université des sciences de la vie de Varsovie

krol-lab.sggw.pl

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